Interview avec Nathalie Violy, Responsable de l’agence de conseil ID’akt.
Dans le cadre de la publication de notre deuxième livre blanc sur le mobilier commercial et l’expérience client, Ateliers de Chevreuse est partie à la rencontre de Nathalie Violy, Responsable de l’agence de conseil ID’akt.
1. En tant qu’agence de conseil, comment définiriez-vous l’importance du design dans l’amélioration de l’expérience client ?
« Avant de parler design, c’est important d’expliquer pourquoi faut-il améliorer l’expérience client. Aujourd’hui le consommateur a l’opportunité de consommer via différents canaux et finalement le fait qu’il fasse l’effort de venir en point de vente nous oblige à repenser l’expérience client pour lui faire passer un moment remarquable. Comment ? À travers la fluidité de circulation, le confort qui est lié à la luminosité ou encore la musique ambiante. Vous parliez de marketing sensoriel, on est en plein dedans ! C’est finalement avoir un décor dans lequel le client se sent bien. Son bien-être est extrêmement important car plus un client est bien dans un espace, plus il prend son temps. C’est là où le design est important : il faut rendre le client acteur de son parcours, il doit avoir des interactions et de la sociabilité dans l’espace dans lequel il rentre. Le design favorise tout cela ! Je ne sais pas si vous vous souvenez des bureaux de poste des années 1990 ? Avec un comptoir d’accueil assez inadapté en hauteur et l’hygiaphone, en termes d’expérience client et de fluidité on a vu une vraie évolution !
Pour en revenir à votre question, le design est là pour faciliter et je dirais même pour sublimer l’expérience et la rendre mémorable. Si le client se sent bien chez vous, il aura envie de revenir. »
2. Quels facteurs clés prenez-vous en compte lors de la conception d’espaces ou de produits pour garantir une expérience client optimale ?
« Avant de parler de conception de produit (mobilier), je vais d’abord parler de conception d’espace. Il y a des facteurs qui sont impondérables par rapport aux points de vente. Le premier facteur qu’on prend en compte c’est l’optimisation des zones chaudes et des zones froides puisque ça influence le parcours client. Une fois qu’on a bien identifié ces zones, d’emblée on sait déjà quel type de mobilier on va venir travailler dans ces espaces-là. La deuxième chose c’est le confort de circulation et l’optimisation du parcours. L’objectif n’est pas que le parcours soit court, c’est qu’il soit le plus long possible mais surtout le plus confortable possible. Donc on travaille forcément sur le parcours et je dirais que le mobilier est l’élément clé qui nous permet de structurer ce dernier. Ce qui est important aussi dans la conception des supports (mobilier, phygital, etc.), c’est d’avoir des outils à la fois polyvalents et modulables qui puissent avoir plusieurs fonctionnalités (par exemple des présentoirs à accessoiriser). Plus le mobilier est modulable pour notre client, plus il a la possibilité d’animer et de transformer son point de vente au fur et à mesure des saisons et peut-être des collections. Le mobilier ne doit pas être figé mais au contraire doit pouvoir être modulable pour qu’on lui donne un autre axe, qu’on le modifie, qu’on l’associe… Un peu comme dans un Tetris ! Le mobilier est au service de l’expérience client. Dans la conception de mobilier, il y a une chose que l’on respecte particulièrement en travaillant pour des ERP, c’est les normes PMR pour faciliter l’accessibilité à tous. Cela se traduit par des comptoirs avec une tablette adaptée à hauteur des personnes à mobilité réduite, les cabines d’essayage aux bonnes dimensions, suffisamment d’espace de circulation entre les mobiliers… Pour nous, ça fait partie intégrante du cahier des charges, c’est la base. »
3. Comment mesurez-vous la réussite de vos projets de design en termes d’impact sur l’expérience client, et quels sont vos principaux indicateurs de performance ?
« Il y a plusieurs choses : Tout d’abord lorsque votre client, le donneur d’ordre, vous accueille avec un énorme sourire après avoir eu 2-3 mois de travaux, c’est le premier indicateur de réussite ! Vis-à-vis de la clientèle nous avons 2 types d’indicateurs. Les indicateurs qualitatifs, c’est-à-dire que tout simplement on n’hésite pas à faire des études in situ pour demander aux clients comment trouvent-ils les évolutions et s’ils se repèrent rapidement. En tout cas, on aime bien valider ce que nous avons imaginé en termes d’expérience client et vérifier cela auprès des consommateurs. C’est important car c’est également un excellent retour pour notre donneur d’ordre. Puis, un autre élément dans l’aspect qualitatif est les réseaux sociaux. Aujourd’hui, on lit aussi la satisfaction des clients grâce à eux, ce sont des outils qui sont très utiles !
Et puis, il y a les indicateurs quantitatifs. Chez ID’akt nous avons vraiment une culture du merchandising. Pour nous, ce qui est important, c’est la nouveauté. On sait que les clients sont assez naturellement attirés par la nouveauté et donc que le premier indicateur sera le taux de fréquentation du point de vente. On mesure le nombre de passage dans le magasin, ensuite on regarde bien évidemment le montant du ticket moyen et le nombre d’articles. On fait toujours la comparaison entre avant et après l’implantation du nouveau concept ce qui nous permet d’avoir vraiment des indicateurs précis pour savoir si le taux de transformation est de 5%, 10%, 12%… Et ensuite de rentrer dans le détail pour savoir quelle famille de produit s’est développée. Enfin, l’indicateur que notre client suit au quotidien, c’est l’évolution du chiffre d’affaires bien évidemment. Néanmoins quand on veut voir si un concept est une réussite, je suis d’avis à regarder les autres indicateurs que je vous ai donnés : taux de transformation, ticket moyen et le taux de fréquentation. »
© Crédit photo : ID’akt.
Et ces éléments d’analyse, vous y avez accès facilement ?
« Oui, en réalité quand on travaille sur un nouveau projet ce sont des points sur lesquels on discute avec nos clients. S’ils investissent dans un nouveau concept, c’est qu’ils veulent rentrer dans une dynamique de croissance. Donc ce qui est important c’est l’état des lieux de l’actuel, lorsqu’il ne s’agit pas d’une création. Les indicateurs de croissance, nos clients les ont déjà. Ils savent pourquoi ils investissent, quel est leur niveau d’investissement. Le facteur économique est nécessairement important car ils attendent un retour sur investissement. Pour en revenir à votre question, ces éléments d’analyse nous les demandons avant le projet et ce sont des données qu’on mesure après le projet. Nous le faisons soit en collaboration avec le client, soit en interne avec notre chargé d’études qui peut faire ces analyses pour nos clients. Lorsqu’il y a des actionnaires derrière, nos clients sont particulièrement demandeurs de ce genre d’information pour justifier que l’investissement est un pari gagnant. »
4. En quoi la personnalisation joue-t-elle un rôle essentiel dans la conception d’espaces ou de produits ?
« Nous avons deux profils de clients. Des indépendants qui veulent avant tout un projet qui leur ressemble. Généralement ils ont imaginé, rêvé, parfois fantasmé leur projet et donc dans la personnalisation il est important, en démarrage de projet, que notre client nous parle de tout ça. Il faut qu’il exprime ce dont il a envie, ce qu’il a vu et qui lui plait, ce qu’il aimerait donner comme image, ce qu’il n’aime pas du tout également. L’idée c’est qu’on rentre dans la personnalisation avec le client. Un client est singulier et généralement il veut quelque chose de singulier aussi, un projet qui lui ressemble. Ou en tout cas, si le projet ne lui ressemble pas, qu’il ressemble à ce qu’il avait imaginé.
Ce qui est intéressant par rapport à notre deuxième profil de client, les enseignes, où les concepts vont être démultipliés, c’est que le client vous dit qu’il n’a pas envie de ressembler au concept de X au concept de Y, et qu’il ne veut surtout pas du concept W. Il veut être encore différent. Donc le client émet dès son cahier des charges en quoi il attend une personnalisation par rapport : à son image de marque, à la stratégie de développement, à l’impact du positionnement marketing qu’il a. Donc la personnalisation, je suis tentée de vous dire qu’elle est systématique. Elle fait partie du process. »
5. Pouvez-vous discuter des défis courants auxquels vous êtes confrontés en tant qu’agence de design pour créer des expériences client mémorables, et comment les abordez-vous ?
« Il nous arrive quelquefois d’avoir des clients qui ont envie de quelque chose de nouveau mais qui ne savent pas trop où ils veulent aller. Dans ce cas, on leur demande de revenir lorsque le projet est un peu plus mûr. Pourquoi ? La raison est toute simple : dans cette situation, généralement, le client n’a pas d’idée et n’a pas tout à fait défini le budget. Par conséquent on peut travailler longtemps sans pour autant arriver sur quelque chose d’abouti. Généralement, les clients qui viennent généralement chez nous savent dans les grandes lignes ce qu’ils veulent et ont souvent déjà défini le budget.
Les défis que nous avons sont souvent liés aux contraintes techniques qui émanent du bâtiment. Vous pouvez concevoir un super concept mais si malheureusement le bâtiment a par exemple une forme un peu particulière, il faudra prendre en compte ces contraintes.
Le deuxième défi, qui parait évident, c’est de respecter le budget du client. En cette période où le prix des matières premières a pas mal augmenté, forcément les budgets se sont un peu plus crispés. Ce qui est important, c’est de proposer aux clients, sans être bridé dans sa créativité, plusieurs alternatives pour que le client puisse évaluer et faire des compromis.
Et enfin, le troisième défi – qui n’est pas des moindres, les gens qui travaillent sur des ERP le savent parfaitement – ce sont les contraintes réglementaires. On travaille dans un cadre réglementé bien évidemment et même si certains clients pensent qu’on peut éviter ces contraintes, ce n’est pas le cas. On essaye alors de faire preuve de pédagogie, ça va dans leur intérêt et dans l’intérêt de leurs clients. Cela passe parfois par des compromis dans le but de respecter le cadre réglementaire. »
6. En quoi les nouvelles tendances en matière de design, telles que la durabilité et la technologie, (phygital) influencent-elles vos projets d’amélioration de l’expérience client ?
« En toute transparence, ça va dans l’évolution naturelle. Pourquoi ? Parce qu’effectivement le consommateur consomme différemment ou en tout cas est plus sensible à ces sujets et forcément les porteurs de projets le sont également. Je dirais que ce sont des choses que nous intégrons naturellement, on fait beaucoup de benchmark donc nous-mêmes nous sommes assez proactifs pour voir les nouvelles tendances afin d’être force de proposition lorsque ça fait partie des demandes de nos clients. Quand ça ne fait pas partie des demandes, on suggère tout de même nos propositions en termes de matériaux et de phygital. On se rend bien compte que ça va dans une évolution sociétale logique. Même nous en tant que consommateurs, ce sont des choses auxquelles nous sommes sensibles. L’idée c’est de faire des choses respectueuses de l’environnement parce que les consommateurs s’y retrouvent et nos clients sont également demandeurs. Un bon concept, c’est un concept qui ne se démode pas. C’est aussi un concept dont la durée de vie peut être plus longue et ça passe par la qualité des matériaux et les sources d’approvisionnement. Personnellement, je privilégie beaucoup plus la filière française que la filière étrangère parce quand on a besoin d’un SAV ou de pièces complémentaires, on a une vraie réactivité. Ce n’est pas forcément le cas quand on fait du sourcing à l’étranger. En plus de ça, l’avantage avec un fabricant français – comme vous Ateliers de Chevreuse – sur un chantier, si on a une contrainte, on sait que vous pouvez intervenir en conseil avant même de produire. Tout ça est un vrai plus pour les clients et pour nous en tant qu’agence de design. J’ai l’habitude de dire que le « pas cher » coûte toujours plus cher. Certains l’ont déjà bien expérimenté et comprennent d’autant mieux pourquoi on revient à du local. »
© Crédit photo : ID’akt.
7. Comment assurez-vous la cohérence de la conception du mobilier avec la vision et les valeurs de la marque d’un client ?
« Je dirais que c’est ce travail qui est fait en amont. Dès qu’on est contacté par un porteur de projet, on travaille avec lui lors de la rédaction du cahier des charges. Parfois le client a rédigé des choses mais nous on vient compléter car on veut s’imprégner de leur ADN, savoir qui ils sont, quelles sont leurs valeurs, comment ils se projettent, comment ils travaillent. Nous allons régulièrement visiter les points de vente de nos clients car mieux on connait l’entreprise, plus il est facile de répondre aisément à leur cahier des charges. À partir de là, par rapport à la conception de mobilier, on va aller sur du mobilier de qualité, de la durabilité, du fonctionnel ou du modulable. Par rapport à un concept, forcément en fonction des codes de la marque, on va venir adapter nos propositions. Quand on a des clients dans l’industrie par exemple, avec des points de vente en B to B, bien évidemment on ne part pas sur du mobilier laqué tel qu’on pourrait le faire dans le domaine du make-up. En revanche on va choisir du mobilier qualitatif, avec de belles finitions de peinture pour justement montrer et valoriser la qualité de leurs produits. Tous ces codes-là sont donc travaillés en amont et quand on a fait ce travail exploratoire, d’emblée on ferme certaines portes par rapport aux propositions que nous allons faire. »
8. Quels sont les avantages de travailler avec une agence spécialisée comme iD’Akt pour la conception de mobilier commercial par rapport à une approche interne ?
« C’est à nos clients qu’il faudrait poser cette question ! D’après les retours qu’ils nous font, l’avantage c’est que nous travaillons dans des univers très différents donc ça nous permet d’avoir un benchmark extrêmement large. Nous avons un éventail de possibilités qui permet de proposer aux clients des choses qui seront extrêmement bien ciblées voire même de s’inspirer d’autres univers pour les adapter chez lui. Le regard extérieur c’est quelque chose que les clients viennent chercher chez nous. Ils connaissent aussi notre expertise par rapport au merchandising et ils nous font vraiment confiance là-dessus. Aussi, lorsque l’on travaille sur un concept, on ne travaille pas sur un seul concept, on travaille toujours sur plusieurs propositions et on aime particulièrement ça. À partir de là, le client va commencer à sélectionner plutôt que choisir. Il n’est plus seulement le donneur d’ordre il devient aussi le co-producteur de son concept et quand il rentre dans cette dynamique-là, on sait d’emblée qu’on est dans l’adhésion du concept. Je crois que c’est ce que nos clients apprécient, nous ne sommes pas là pour leur imposer une vision mais pour leur proposer des choses, un peu comme quand vous allez au restaurant finalement ! C’est totalement participatif et nos clients ont l’impression d’avoir créé leurs concepts. Moi, je suis ravie quand ils se l’approprient. »
9. Existe-t-il quelques astuces merchandising qui jouent sur la psychologie du consommateur final pour influencer les décisions d’achat ? Pouvez-vous partager quelques conseils en exclusivité pour nous ?
« Des astuces, il y en a une multitude ! Il est clair, qu’ayant cette culture du merchandising, ce qui est important c’est de se mettre à la place du client. Si je rentre dans cet environnement, qu’est-ce que j’aimerais voir ? Comment j’aimerais fonctionner ? Si on écoute le client et qu’on prend sa place, automatiquement on comprend son fonctionnement et ses comportements d’achat qui sont de l’ordre de la réflexion, de l’obligation et de l’impulsion. À partir de là on va travailler le merchandising en conséquence. J’aime bien demander à mes porteurs de projet quels sont leurs 20/80, quels sont les univers produit qui sont stratégiques pour eux… Ils me dévoilent la vie de l’entreprise ou la réalité des chiffres. De ce fait, je sais que je devrais être vigilante quant
à la mise en valeur des univers qui, pour le client, sont le nerf de la guerre ou en tout cas la locomotive de son activité. Clairement, on ne réinvente pas les règles de merchandising, elles sont plutôt universelles, on les retrouve un peu partout mais on les adapte. Parfois on les réinterprète dans l’univers de notre client car un consommateur qui rentre dans une parapharmacie, c’est le même qui rentre dans un magasin de bricolage et c’est le même qui rentre dans un magasin de vélo, il n’est pas très différent en termes de mode de fonctionnement. Par contre en fonction de l’univers, ses attentes, son comportement et son arbre décisionnel, sont différents.
Voilà mon conseil : repartir du client en se demandant : qui est-il ? Comment fonctionne-t-il ? Comment se repère-t-il ? À quoi est-il sensible ? À partir de là on vient faire une scénarisation, qui d’ailleurs, n’est jamais figée. »
10. Quelles sont les étapes de travail avec vos clients pour créer des concepts de merchandising qui correspondent à leur image de marque et à leurs produits ?
« La première chose, c’est l’état des lieux avec eux. Ils nous parlent de leurs projets mais on aime aussi savoir qui ils sont, les valeurs, les univers et surtout la projection car quand ils nous consultent, c’est qu’ils se reprojettent sur les 10 prochaines années.
La deuxième chose, c’est qu’on aime savoir qui sont leurs clients.
Enfin, en toute honnêteté, la troisième chose quand on travaille sur un nouvel univers ou un nouveau concept, c’est qu’on aime bien aller voir ce que fait la concurrence. Ils sont une source d’information intéressante ! C’est important de savoir comment nos clients peuvent se positionner vis-à-vis de leurs concurrents et puis comme je vous le disais, on n’hésite pas à aller explorer d’autres univers qui peuvent être éloignés du leur, mais qui finalement ont des problématiques similaires ou qui ont le même type de client. »
> Le mot de la fin :
« Notre métier c’est de mettre en image le projet que le client a en tête. Ce qui est génial, c’est la présentation des différents scénarios, au même titre que pour le cinéma, quand on parle de scénario : il y a un décor, une histoire et la mise en scène. J’adore ce moment où on leur présente le scénario et qu’on découvre leurs réactions. Parfois, ils ne s’y attendent pas et en même temps ils se disent que ça correspond au cahier des charges.
Et pour finir, l’aboutissement pour nous reste l’inauguration d’un point de vente. On voit que le client s’est approprié le concept quand il prend plaisir à le présenter à ses clients ou fournisseurs. C’est un régal car on sait que le projet n’est plus à nous : il est au client. C’est la concrétisation de
notre investissement ! »
Nathalie Violy, Responsable de l’agence de conseil ID’akt.
ID’akt est une société de conseil en retail marketing, store design et visual merchandising.
Spécialiste du marketing du point de vente depuis 2001, ID’akt propose des solutions personnalisées aux professionnels indépendants, aux groupements et enseignes dans des secteurs aussi variés que le vétérinaire, l’optique, la restauration, la coiffure, l’épicerie fine, l’habillement, la santé ou les services.